dimanche 23 décembre 2012

Aux Origines de Noël : Saturnales et Sol Invictus.

                                        Il y a quelques semaines, l'approche de Noël m'a servi de prétexte à un billet consacré aux jouets de la Rome antique. Or, il se trouve que notre fête chrétienne de Noël a de nombreux liens avec l'antiquité romaine, et je ne pouvais décemment pas faire l'économie d'un article sur le sujet. Nombreuses sont les fêtes chrétiennes que l'on peut rattacher à des célébrations romaines, et à deux d'entre elles en particulier : les Saturnales et la célébration du culte du Sol Invictus.


Les Saturnales.

 


Saturne (Dessin de Hendrick Goltzius - Musée des Beaux-arts de Rennes.)

                                        Les Saturnales, ce sont sans doute les festivités les plus importantes de la Rome antique. Elles marquent le solstice d'hiver, en célébrant Saturne. A l'origine, il s'agissait d'une cérémonie qui se tenait le 17 Décembre dans le temple dédié au Dieu, mais la durée des célébrations finit par s'étendre : 3 jours après la réforme du calendrier julien, 4 sous Auguste, 5 sous Caligula, et enfin une semaine complète sous Dioclétien, jusqu'au 24 Décembre - voire jusqu'aux Calendes de Janvier. Immédiatement après les Saturnales se tient la fête des Sigillaires, le nom venant du fait que l'on s'échange, entre autres présents, des sceaux (en Latin sigillum) et petits objets de terre cuite.

"L'Hiver Ou Les Saturnales" (d'Antoine-François Callet. ©Musée du Louvre.)

                                        Au départ, les Saturnales commémorent le solstice d'hiver, marqué par la nuit la plus longue de l'année mais aussi, par voie de conséquence, par le retour de l'allongement des jours et, symboliquement, la victoire de la lumière sur les ténèbres. C'est donc tout naturellement que l'on fête les promesses des futures récoltes, en honorant Saturne, dont la légende veut qu'il ait enseigné l'agriculture aux Romains, lors d'un âge d'or mythique où les hommes vivaient égaux dans l'abondance. Dieu des semailles, son nom viendrait d'ailleurs du mot "Sator", qui signifie "le semeur", et il préside à la germination et aux moissons. En marge des Saturnales, d'autres Dieux et Déesses sont aussi célébrés, comme la Déesse Angerona (le 21 Décembre), qui aide à traverser les périodes sombres et angoissantes et guérit de la douleur et de la tristesse.

Arc de Septime Sévère et Ruines du Temple de Saturne. (©Robert Lowe via Wikipedia)



                                         Concrètement, les Saturnales sont un joyeux déchaînement, où toutes les barrières sociales disparaissent momentanément et où l'ordre hiérarchique est bouleversé : tous se réunissent autour des mêmes tables, les esclaves ne reçoivent plus d'ordre et recouvrent pour un temps toute liberté d'action et de parole - ils peuvent railler les maîtres en toute impunité, s'amuser avec eux et même se faire servir par eux. Durant cette période de relâche, aucun acte officiel ne peut s'accomplir et tous les travaux s'interrompent (écoles, boutiques, tribunaux, etc. sont fermés, aucun spectacle n'est donné et même les paysans délaissent leurs champs).  En revanche, ces journées de fête sont l'occasion de se réunir en famille ou entre amis autour de banquets, de s'amuser à des jeux collectifs et de sortir dans les rues et les jardins, où l'on s'interpelle joyeusement au cri de : "Io ! Saturnalia !" Pour une fois, les citoyens ne portent pas la toge, mais la tunique des esclaves, et coiffent même parfois le pileus libertatis, bonnet porté par les affranchis.


Les Saturnales. (Sculpture d'Ernesto Bondi - ©R. Fiadone via wikipedia.)

                                        C'est aussi l'occasion de décorer les maisons et de les parer de verdure, avec du houx, du gui et des guirlandes de lierre. On s'offre des cadeaux (saturnalia et sigillaricia) : chandelles de cire, figurines de terre cuite, porte-bonheur, petits bijoux, gâteaux, etc. Les enfants sont particulièrement gâtés, et reçoivent de petites babioles et de petites sommes d'argent (l'équivalent de nos étrennes). Un marché spécial (sigillaria) est ouvert. On se réunit pour des piques-niques, au cours desquels on déguste une galette : celui qui trouve la fève dissimulée dans le gâteau est désigné "Roi du banquet", et peut alors distribuer des gages et donner des ordres ridicules à ses commensaux. On fabrique des figurines grotesques, suspendues au seuil des maisons, qui finiront par être brûlées. Certains spécialistes pensent qu'il s'agissait de représenter symboliquement un sacrifice humain, rappelant une pratique primitive d'expiation en vigueur chez les Pélasges, peuple ayant précédé les Romains dans le Latium : Hercule aurait convaincu les descendants des Pélasges de substituer des statuettes aux victimes humaines.  Évidemment, tous ces éléments ne sont pas sans évoquer notre Épiphanie (ça, c'est pour la galette), notre fête de Noël (ça, c'est les décorations et les cadeaux), et bien sûr notre Carnaval (ça, c'est tout le reste !)


Le Culte du Sol Invictus / Mithra.


Bas-relief d'une tauroctonie figurant Mithra. (Thermes de Dioclétien. ©Richard Mortel - Flickr)


                                        De la célébration du solstice d'hiver à celle du culte du soleil, il n'y a qu'un pas. Sans doute est-ce la raison pour laquelle la date du 25 Décembre correspond, pour les Romains, à la célébration du Dieu Sol Invictus (Soleil Invaincu), assimilé à Mithra. Ce jour est connu comme dies natalis solis invicti, c'est-à-dire le "jour de naissance du Soleil Invaincu". Le choix du 25 Décembre n'a rien d'aléatoire, mais se rapporte directement au calendrier Julien qui, à cause d'une erreur de calcul, fixait le solstice d'hiver précisément à cette date. 

Sol Invictus. (Musée National de Rome - ©Mary Harrsch - flickr.)

                                        Quelques mots sur ce Sol Invictus. L'épithète a été utilisé pour qualifier diverses divinités romaines au fil de l'Histoire : Jupiter Invictus et Mars Invictus par exemple, au début de l'Empire. C'est à partir du IIème siècle qu'on le retrouve appliqué à Mithra, dont le nom signifie "ami" et "contrat". Mithra est donc à la fois l’ami des hommes, le Dieu de la lumière et celui de la justice.


Mosaïque romaine du Ier siècle représentant Mithra. (© Mary Harrsch - Flickr)


                                       D'origine Perse, le culte de Mithra se répand d'abord chez les soldats romains, qui l'importent en Italie. Il s'y implante rapidement et gagne Rome, devenant le culte le plus pratiqué de l'Empire, le Dieu étant connu sous le nom de Sol Invictus. Au point qu'en 274, l'Empereur Aurélien le déclare religion de l’État, dans l'optique de consolider l'unité des territoires dominés par Rome. Il fait édifier un temple sur le Champ de Mars et crée un collège de Pontifes du Soleil. Certains experts voient plutôt dans cette nouvelle divinité la refondation de l'ancien culte latin du soleil, ou un renouveau du culte prôné par Héliogabale, qui avait amené depuis Emèse le culte du Dieu syrien du Soleil, Elagabal (dont il prendra le nom). Mais la question fait toujours débat, les élites hostiles à la nouvelle religion ayant volontairement assimilé les deux divinités, dans le but de discréditer ce Sol Invictus en le rapprochant de cet Elagabal, de sinistre mémoire pour les Romains... (J'aurai l'occasion d'y revenir un jour prochain.)

Pièce à l'effigie d'Aurélien et de Sol Invictus.

                                        Le Dieu sera vénéré par les successeurs d'Aurélien, y compris par Constantin. En effet, le Sol Invictus apparait à plusieurs reprises sur l'Arc de Constantin, et les monnaies l'associent à ce Dieu jusque vers 325. En 321, Constantin décrète même que le Die Solis ("jour du soleil" - soit le Sunday anglais et notre dimanche) sera désormais un jour de repos. La dernière inscription se référant à Sol Invictus date de 387, mais son culte perdurera au moins jusqu'au Vème siècle puisque Saint Augustin jugera nécessaire de prêcher contre ses adeptes.

Pièce à l'effigie de Constantin et de Sol Invictus.


                                        Religion austère et monothéiste (bien qu'elle cohabite dans l'Empire avec d'autres cultes, auxquels elle se superpose), le culte de Mithra se caractérise notamment par une initiation marquée par une série d'épreuves, suivie d'une sorte de baptême, par aspersion avec le sang d'un taureau. Par des l'abstinence et des rites de purification, les adeptes se rapprochaient de l'astre solaire, symbole de chaleur et de lumière par opposition à l'obscurité et aux démons. Il est la manifestation du pouvoir de Mithra, ange de la lumière, serviteur du dieu Ormuzd représentant la lumière primitive, auprès duquel il tient aussi le rôle d'ambassadeur des hommes.

Du culte païen à la fête chrétienne.




                                        A la même période, le christianisme commence à se répandre, et se retrouve en concurrence directe avec ce culte de Mithra, face auquel les rites liturgiques ont bien du mal à s'imposer. C'est donc pour contrer ces festivités païennes que les Chrétiens adoptent un stratégie fort ingénieuse : il ne s'agit rien moins que d'assimiler la naissance du Christ au retour de l’astre solaire, le Sol Invictus, dans une sorte de démarche syncrétique qui leur permet d'ancrer leur propre célébration dans une tradition pré-existante.

"C'était la coutume des païens que de célébrer le 25 Décembre l'anniversaire du Soleil, au cours duquel ils allumaient des lumières en signe de festivité. Dans ces solennités et les excès de table, les chrétiens ont également pris part. Par conséquent, lorsque les docteurs de l'Église perçurent que les chrétiens avaient un penchant pour cette fête, ils tinrent conseil et résolurent que la vraie Nativité devait être célébrée ce jour-là." (Jacob Bar-Salibi, évêque syrien du 12ème siècle.)


Prêtre de Mithra. (British Museum  -©Mary Harrschy - flickr.)

                                         C'est en l'an 354 que le Pape Liberus désigne officiellement la date du 25 Décembre comme celle de la naissance du Christ, avec la célébration du "Natalis Invicti". Cette fusion avec le jour le plus important du culte mithraïen permet peu à peu aux rites respectifs de se mélanger, et au christianisme de phagocyter divers éléments des fêtes païennes liées au solstice d'hiver : décorations végétales (le houx, par exemple, qui se prête parfaitement à une nouvelle interprétation et devient la représentation de la couronne d'épines et du sang du Christ), les échanges de cadeaux, etc. Adaptation d'autant plus aisée que, par bien des aspects, on pouvait trouver de nombreuses similitudes entre les deux croyances... Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un œil sur un hymne dédié à Mithra, extrait du Rig Veda : 

"Le voici l'Adorable, le Bienveillant,
le Souverain ! Il est né le Seigneur !
Puissions-nous demeurer en sa Bonne Faveur,
En la Sainte Bienveillance du Dieu que l'on célèbre ! "
("Rig Veda" - III, Hymne IV - 4.)
Quant au mot Noël, il dérive directement du Latin natalis, et apparaît pour la première fois en 1112.

                                        Mais les Évangiles ne mentionnant pas la date de naissance de Jésus, celle retenue par ce brave Liberus ne fait pourtant pas l'unanimité, et certaines sectes avaient opté pour le 6 janvier, qui renvoyait aux épiphanies de Dionysos et d’Osiris – deux divinités ayant ressuscité (ça doit vous rappeler quelqu'un). Le 6 Janvier correspond toujours à notre propre fête de l'épiphanie, et marque la célébration de la naissance du Christ par les Orthodoxes.


La Nativité. (de Ghirlandaio - ©Musée du Louvre.)


                                        Si ce fait est communément admis, certains rechignent encore à admettre que le choix de célébrer Noël le 25 Décembre avait bien pour but de le faire coïncider avec la fête romaine du Dies Natalis Solis Invicti... Parmi eux, un certain Joseph Ratzinger, alias Benoît XVI, affirme que la date a été déterminée en toute logique : le 25 Décembre tombe simplement neuf mois après l'Annonciation (25 Mars), soit le jour de la conception de Jésus. Mais le même Pape a aussi reconnu :  "Noël a acquis sa forme définitive au IVe siècle, quand il a remplacé la fête romaine du Sol invictus".

                                        Anniversaire réel, ou date choisie arbitrairement ? Ma foi (sans mauvais jeu de mots !), les voies du Seigneur sont impénétrables, et l'important n'est-il pas, au bout du compte, de pouvoir gâter nos proches et passer le 25 Décembre entouré de ceux que nous aimons ? Et ça, c'est finalement aux Romains que nous le devons. Alors, que vous fêtiez Mithra / Sol Invictus, Saturne, le Christ ou n'importe qui d'autre, je vous souhaite à tous un joyeux Noël ! En attendant impatiemment le retour du Soleil... Et je vous retrouve l'année prochaine, après une pause bien méritée.   





mercredi 19 décembre 2012

Pan, t'es mort ! Causes de décès chez les Césars.

                                        Auriez-vous aimé être un Empereur romain ? Imaginez-vous un instant, à la tête de cette immense puissance, régnant sur un si vaste territoire, dictant votre loi à une multitude de peuples, soumettant les barbares aux frontières... Vénéré à l'égal d'un Dieu, vous vivez dans le faste et l'opulence, obéi, respecté et craint de tous. A priori, le job est attirant. Mais il comporte tout de même pas mal d'inconvénients - à commencer par une sacrée responsabilité, et une pression non négligeable. Mais pas seulement. L'autre léger désagrément, c'est qu'en tant qu'Empereur romain, il y a de fortes probabilités pour que vous finissiez poignardé, décapité, suicidé ou empoisonné. Voire, si vraiment vous n'avez pas de bol, frappé par la foudre ou capturé puis écorché vif par vos ennemis (Ave, Valérien !). Pour le dire autrement, vous avez peu de chances de mourir dans votre lit, au terme d'une vie bien remplie, passée au service de Rome. Avouez que ça change radicalement votre vision du poste à pourvoir ! En tous cas, c'est ainsi que l'on se représente généralement la mort des Empereurs romains. Mais cette idée correspond-elle à la réalité ? Résiste-t-elle à l'examen des faits ? La majeure partie des Empereurs ont-ils vraiment connu une fin aussi violente ? Ou les meurtres, suicides et autres joyeusetés ont-ils simplement davantage marqué nos esprits  ?

La mort de Néron

                                        Car il faut bien reconnaître que lorsqu'il s'agit de trépasser, les Empereurs romains font parfois preuve d'une imagination sans borne : même Caligula, pourtant fort inventif au quotidien en matière de bizarreries, fait pâle figure comparé à certains de ses collègues. Et le bougre, lardé de coups de poignards par sa garde prétorienne, a pourtant agonisé de longues minutes en hurlant : "Je suis toujours vivant !" Flippant, mais pas très original si l'on compare à un Valérien (voir ci-dessus), un Jovien (intoxiqué par la fumée d'un poêle, dans la tente de commandement), un Théodose II (mort d'une chute de cheval) ou un Valentinien (mon préféré : il pique une telle colère lors d'une négociation avec les Germains qu'il se pète une veine et meurt !) Mais ces décès spectaculaires demeurent anecdotiques.

                                         Choisissant de me concentrer sur l'Empire Romain d'Occident, j'ai volontairement exclu de ce calcul les usurpateurs non reconnus par Rome et les Empereurs d'Orient (qui continueront de régner sur cette partie de l'Empire, devenue l'Empire Byzantin, jusqu'en 1453.) Par ailleurs, en cas de doutes quant à la cause du décès, j'ai privilégié l'hypothèse la plus communément admise. Concernant Tibère, par exemple, j'ai considéré une mort naturelle, écartant les rumeurs d'assassinat sur ordre de Caligula. Enfin, je n'ai pas dressé mes listes de façon chronologique... mais un peu au pifomètre ! (au fil de mes recherches, plus précisément.)

Mort de Caligula. (Photo extraite du film de Tinto Brass.)

 CAUSES DE DÉCÈS CHEZ LES CÉSARS.


                                        Commençons par le commencement : de la fondation du Principat par Auguste en 27 av. J.C. au sac de Rome et à la destitution de Romulus Augustule en 476, l'Empire romain aura duré 503 ans, au cours desquels se seront succédé 77 Empereurs, cumulant 583 années de règne. (Cette différence s'explique par le fait que certains d'entre eux ont co-dirigé l'Empire.)

                                        Première constatation : l'âge moyen de décès est de  48 ans, pour 7.8 années de règne. Avec bien sûr de nombreuses disparités : Caligula est mort à 29 ans, Tibère en avait 77 ; Auguste a régné 41 ans, contre 2 petits mois pour Othon. Deuxième enseignement : la plupart des Empereurs meurent en fonction. 7 seulement ont abdiqué : 2 de leur plein gré (Dioclétien, qui s'est ensuite laissé mourir de faim, et Maximien Hercule, qui s'est suicidé) et les 5 autres y ont été forcés (Glycerius et Romulus Augustule, morts de causes naturelles, et Severus II, Licinius et Avitus, ensuite exécutés.) Qu'en est-il pour les autres, ceux qui se sont accrochés à la Pourpre jusqu'au bout ?

MORTS NATURELLES.

                                        Cette catégorie regroupe les Empereurs morts de vieillesse et ceux qui ont succombé à la maladie. Dans ce dernier cas, il n'est pas toujours évident de déterminer précisément quelle pathologie leur a été fatale, mais les symptômes décrits par les auteurs antiques ont parfois permis aux historiens et aux médecins d'extrapoler et d'émettre des hypothèses. Quelle que soit la fiabilité de leurs conclusions, celles-ci ne changent pas les statistiques de manière fondamentale. Les Empereurs décédés de causes naturelles sont donc les suivants :

  • Tibère - probablement de vieillesse, après un épisode de fièvre.
  • Auguste et Vespasien - fièvre et diarrhées - dysenterie.
  • Trajan et Lucius Verus - attaques d'apoplexie.
  • Titus et Nerva - violentes fièvres - peut-être la malaria.
  • Marc-Aurèle - atteint d'une affection chronique du poumon, mort après s'être plaint de douleurs abdominales aiguës et de fièvre - possible variole. Autre hypothèse : cancer en stade terminal.
  • Antonin Le Pieux - vomissements après avoir mangé du fromage (!!) - intoxication alimentaire ?
  • Hadrien - malgré 3 tentatives de suicide, meurt des suites d'une longue maladie ayant pour symptômes : saignements de nez, œdèmes, dépression - Insuffisance cardiaque chronique.
  • Septime Sévère - complications dues à la goûte.
  • Claudius II - mort en campagne militaire, probablement de la peste.
  • Carus - frappé par la foudre, lors d'une guerre en Mésopotamie. L'assassinat est plus vraisemblable, mais rien ne permet d'être affirmatif.
  • Constantin Ier -  sans doute une anémie chronique.
  • Galerius - ulcération de l'abdomen et des organes génitaux, fistules, septicémie - tumeur maligne ou infection comme l'actinomycose.
  • Valentinien Ier - accident vasculaire cérébral.
  • Olybrius - œdèmes sévères - insuffisance cardiaque ou syndrome néphrotique.
  • Honorius, Severus III, Glycerius, Romulus Augustule, Théodose - causes inconnues.

"Dernières Paroles de l'Empereur Marc-Aurèle" (Eugène Delacroix.)

SUICIDES.

                                        Ayant en tête l'exemple de Néron, de Brutus ou de Caton d'Utique, j'ai été surprise de découvrir que les suicidés étaient finalement assez rares parmi les Empereurs. Je vous accorde que le premier, terrorisé, a dû se faire aider par un esclave (si j'en crois Suétone) et que les deux autres n'ont jamais été Empereurs... Il n'empêche : 7 suicides, cela me paraît fort peu ! Nous retrouvons ici :
  • Néron et Othon - suicides à l'arme blanche. (Ne soyons pas mesquins, et validons le suicide de Néron !)
  • Gordien Ier et Maximien Hercule - suicides par pendaison (le premier avec sa ceinture)
  • Dioclétien - en dépression nerveuse, il finit par abdiquer et se retire sur ses terres. Il décède six ans plus tard, s'étant laissé mourir de faim. (selon le rhéteur Lactance.)
  • Maximin Daia - ingestion de poison. Il a agonisé pendant trois jours.
  • Quintillus - abandonné par ses hommes au profit d' Aurélien, s'est tranché les veines.

Le Fantôme de Septime Sévère apparaît à Caracalla, Après Le Meurtre de Son Frère Geta". (J.L. David.)

 

ASSASSINATS / EXÉCUTIONS.


                                        A ce stade de mon billet consacré aux causes de la mort des Empereurs, je commence à me sentir légèrement déprimée... La liste des assassinats ne sera sans doute pas de nature à me remonter le moral.  Avant de sombrer dans la dépression, je note tout de même que la quasi-totalité de ces meurtres appartiennent à deux catégories voisines : les coups d'état, et les assassinats lors des guerres civiles. Sur les 39 Empereurs assassinés, 34 l'ont été à l'arme blanche (épée, glaive, dague, etc.) et, parmi eux, 5 ont été décapités. Les 5 autres ont été respectivement étranglés (2), pendu, empoisonné et lapidé.

Mort de Commode - qui n'a pas été tué par Russell Crowe... (Extrait de "Gladiator.)

  • Claude - empoisonné par son épouse, Agrippine.D'abord avec des champignons puis, comme il avait régurgité le poison, à l'aide d'une plume plongée dans la gorge.
  • Léon II - empoisonné par sa propre mère, au profit de son mari.
  • Commode - ayant survécu à une tentative empoisonnement, il est finalement étranglé par un de ses gladiateurs.
  • Vitellius - torturé par les soldats de Vespasien avant d'être assassiné.
  • Galba - décapité par des soldats
  • Domitien  - assassiné par des esclaves et des officiels de la cour.
  • Julien Nepos - assassiné par ses esclaves.
  • Valentinien II - retrouvé pendu, mais vraisemblablement assassiné par un de ses généraux.
  • Valentinien III - tué par des mercenaires germains.
  • Geta  - assassiné par son frère, Caracalla.
  • Caracalla - poignardé à mort par son garde du corps, alors qu'il urinait au bord de la route. (On appelle ça le karma, mon vieux !)
  • Didius Julianus  - condamné par le Sénat à être exécuté par l'épée.
  • Petrone - il fuit Rome lors d'une invasion vandale et se fait lapider par la foule en colère.
  • Avitus - on le laisse mourir de faim, ou il est étranglé par des soldats.
  • Macrin - vaincu par l'armée des partisans d'Elagabal, il prend la fuite mais est assassiné quelques jours plus tard.
  • Constant - assassiné lors d'un coup d'état.
  • Carin - tué lors d'une bataille... par un de ses propres officiers, dont il avait séduit la femme !
  • Numerien - mystérieusement assassiné dans sa litière.
  • Sévère Alexandre - assassiné par l'armée, alors qu'il vient de négocier une paix jugée indigne avec les Germains.
  • Caligula, Pertinax, Maximin Ier le Thrace, Maxime Pupien, Balbin, Gordien Ier, Gordien II et Elagabal - assassinés par la (apparemment dangereuse !) garde prétorienne.
  • Aurélien - tué par les officiers de la garde prétorienne qui croyaient, à tort, que l'Empereur avait donné l'ordre de les faire exécuter.
  • Sévère, Jean , Majorien, Anthemius, Licinius, Gratien : défaits lors de guerres civiles, ils ont été exécutés.
  • Trébonien Galle, Émilien, Gallien, Florien, Probus - assassinés par leurs propres soldats au cours de guerres civiles.

Mort de Julien l'Apostat. (Illustration du XIXème siècle.)
  
CAUSES DIVERSES.

                                        On trouve toujours des petits malins qui veulent faire leurs intéressants. Pas de maladie, ni de suicide, ni de meurtre pour eux - mais des accidents idiots, et surtout des morts sur le champ de bataille (guerre civile ou contre d'autres peuples.)
  • Decius - tué lors d'une bataille contre les Goths, ce qui fait de lui le premier Empereur à trouver la mort au cours d'une guerre autre que civile.
  • Valens - meurt au combat contre les Goths. Son corps ne sera jamais retrouvé.
  • Gordien II (à Carthage), Philippe l'Arabe (en Macédoine), Constantin II (en Italie) - morts dans des combats, au cours de guerres civiles.
  • Julien - blessé dans la guerre contre les Parthes, il meurt d'une infection.
  • Valérien - fait prisonnier par les Perses, mort en captivité deux ans plus tard. Les sources divergent quant au traitement qui lui a été réservé : bien traité, réduit en esclavage, empalé ou écorché vif. Faites votre choix! 
  • Maxence  - vaincu par Constantin Ier, se serait noyé en tentant de fuir.
  • Théodose II - meurt en tombant de cheval.
  • Jovien - intoxication au monoxyde de carbone (consécutive au dysfonctionnement d'un braséro dans sa tente de commandement.)
L'Empereur Valérien se soumet aux Perses.
 

CONCLUSION.


                                        Vous vous doutez bien que je n'ai pas dressé cette sinistre énumération pour la seul plaisir de compiler la mort de tous les Empereurs de Rome ! Du reste, peut-être vous attendiez-vous à de longues descriptions complaisantes des agonies successives... Vous m'en voyez navrée, mais ce billet n'a rien de racoleur, et il n'a d'autres prétentions que de dresser un panorama des différentes causes des décès, dans le but d'en tirer un enseignement. Il est évident que les faits que j'avance peuvent parfois être contestés. Ainsi, Valentinien II s'est peut-être suicidé, et comme je le signalais en préambule, certaines sources accusent Caligula du meurtre de Tibère. Mais au final, ces variations infimes ne changent rien à la tendance générale, et il ressort de tout ceci qu'Empereur de Rome, ce n'est définitivement pas une sinécure ! En arrondissant, on obtient les chiffres suivants : à peu près la moitié (50.6%) des Empereurs meurent assassinés ou exécutés, 7.8% se suicident, 13% meurent pour d'autres raisons (mais une bonne partie d'entre eux au cours de guerres civiles), et seulement 28.6% décèdent de causes naturelles. Soit tout de même plus d'1 sur 5. Un chiffre qui, cependant, vous fera peut-être reconsidérer votre choix de carrière... Je vous repose donc la question : auriez-vous vraiment aimé être un empereur romain ?!



Pour plus de détails, la page de Wikipedia, ici , recense tous les Empereurs ainsi que les causes de leurs morts.
Autre page intéressante - bien que flirtant avec le sensationnalisme - ici : une liste des décès classés du plus au moins "hardcore"... 
                           

                                     

dimanche 16 décembre 2012

Bonne Lecture : "La Peau de César."

                                        En fouinant dans un vide-grenier, je suis récemment tombée sur un livre dont le titre m'a immédiatement attirée : "La Peau De César". Il s'agit d'un roman de René Barjavel et, une fois assurée en parcourant la quatrième de couverture que le César en question était bien celui auquel je pensais, je me suis empressée de l'acheter. Bon, j'avoue : ce livre ne traite pas vraiment de l'Antiquité romaine, et César ne sert finalement que de prétexte à une intrigue policière. Mais peu importe : même si le lien est ténu, j'ai néanmoins désiré vous en parler.

                                        Une représentation de "Jules César" de William Shakespeare doit être donnée dans les Arènes de Nîmes. Dans le rôle-titre, Faucon, un acteur à la renommée internationale aussi célèbre pour son talent que pour ses nombreuses conquêtes féminines. Or, le matin de la première, un courrier anonyme parvient au commissariat : "CE SOIR LES CONJURÉS TUERONT VRAIMENT CÉSAR." Le commissaire Julien Mary est sceptique, car qui oserait s'en prendre à la star, devant les caméras de télévision et sous les yeux de près de 25 000 spectateurs ?! Mais on n'est jamais trop prudent : aussi se rend-il aux Arènes, afin d'assister à la pièce. Et c'est un triomphe lorsque Faucon s'écroule sous les coups des conjurés, criant de réalisme... Pour cause : il vient vraiment d'être assassiné, sur scène, ainsi que l'avait annoncé la lettre ! Mary enquête, et commence par fouiller et interroger un par un les autres acteurs. Il apparaît vite, au fil des témoignages, que les relations au sein de la troupe sont pour le moins complexes, et que Faucon n'était pas aussi sympathique qu'on aurait pu le croire. Le nombre de ses ennemis n'est pas de nature à raccourcir la liste des suspects : amants et maîtresses délaissés, maris trompés, amis trahis... Autant de mobiles et de coupables potentiels. Lorsque, à la fin de la deuxième représentation, Brutus se suicide sur scène, l'affaire paraît résolue. Mais Mary n'en est pas convaincu... 

                                        Ce livre est le dernier publié par Barjavel, et le seul roman policier qu'il ait écrit. Comme toujours avec cet auteur, l'écriture est d'une fluidité très agréable, l'intrigue alternant avec les dialogues et les monologues des acteurs dans un style simple et sans effets littéraires, mais d'une grande efficacité. Une pointe d'humour vient relever l'ensemble, bienvenue dans une histoire un peu glauque qui, par contre-coup, apparaît plus légère. La trame elle-même est ingénieuse, finalement évidente sans être simpliste - de celle qui vous font dire que, bon sang, vous auriez dû anticiper l'ultime rebondissement, alors que vous n'avez rien vu venir. Néanmoins, l'intérêt principal du récit tient à la mise en abîme, chacun des acteurs répondant à son nom comme à celui de son personnage et les liens entre les différents protagonistes se doublant de ceux tissés entre leurs rôles respectifs. Les faux-semblants et le double jeu et les doubles sens fonctionnent à plein, conférant au récit une incongruité aussi amusante que déstabilisante. Le texte, cela dit, est peu flatteur pour les acteurs ! Mais les spectateurs comme la quasi-totalité des protagonistes en prennent aussi pour leur grade... Et même un final quelque peu grandiloquent ne parvient pas à émousser le plaisir de lecture tant il s'inscrit dans la logique de ce roman "théâtral" à plus d'un titre.

                                        Évidemment, j'ai trouvé un double intérêt dans ce livre - outre celui de plonger dans un bon roman policier. Il y a bien sûr les références à l’œuvre de Shakespeare et la présence de César, Antoine, Brutus et Cassius, mais également le cadre de l'histoire, puisque celle-ci se déroule à Nîmes. J'ai pris un véritable plaisir à arpenter la ville aux côtés des différents personnages, reconnaissant des lieux qui me sont familiers pour les parcourir au quotidien.  En conclusion, je dois admettre que ce polar n'a rien de transcendant, mais il est bien tourné, original et plutôt amusant. Autant de raisons qui m'ont convaincue de lui accorder quelques lignes sur mon blog, afin de vous en suggérer la lecture.



"La Peau De César" de René Barjavel.

Éditions Folio Policier - N°64.

256 pages - 5 € 95.


Lien ici.

 

mercredi 12 décembre 2012

8ème Festival Européen Latin & Grec.


                                        Les langues mortes ne sont pas mortes, elles bougent encore ! Le Latin et le Grec, en particulier, n'ont pas dit leur dernier mot et, à rebours de la désaffection croissante et de la baisse des effectifs en milieu scolaire au cours de ces dernières décennies, on assiste à une mobilisation grandissante des professionnels - enseignants notamment - pour promouvoir ces Humanités. Mais pas que : les récentes traduction du "Petit Nicolas" et de la BD "Murena" en Latin montrent bien que les idées se multiplient, de façon réjouissante, décomplexée, et autrement plus attirante pour le grand public. Pour dire les choses autrement, la pratique du Grec et du Latin aujourd'hui ne se prend pas au sérieux - ce qui ne veut pas dire qu'elle ne l'est pas. Parmi les nombreuses initiatives dédiées à ces langues anciennes, je voudrais vous dire aujourd'hui quelques mots sur le Festival Européen Latin & Grec, dont la 8ème édition se tiendra à Lyon du 21 au 24 Mars prochain.

                                        Il est organisé par l'association FORTUNA JUVAT, qui s'est donné pour but de redonner aux Humanités toute leur place, tant dans l'enseignement que dans la façon dont elles permettent de percevoir le monde, notamment à travers ses influences sur nos cultures et sociétés. Elle tente aussi de créer un pont et d'ouvrir le dialogue entre les différents acteurs - élèves, enseignants, historiens, journalistes, auteurs, dessinateurs, musiciens, libraires, scientifiques etc. - pour leur permettre d'échanger et de partager leurs expériences et leurs idées.

                                        J'ai été contactée récemment part Mme Elizabeth Antébi, fondatrice de cette manifestation et reponsable de sa coordination - mais ce n'est pas la seule raison pour laquelle je me fais ici écho de ce festival. S'il a retenu mon attention, c'est surtout pour le projet qu'il porte et la vision qu'il propose, en offrant par le biais des langues anciennes un regard original mais pertinent sur notre société et notamment sur l'Europe et ses fondements gréco-latins. L'histoire, l'art, les langues, l'économie, l'innovation : toute notre civilisation s'est construite en lien avec les pensées grecque et latine, sur lesquelles reposent ses fondements. A travers les langues modernes, les questions de la laïcité, de la démocratie, des droits de l'homme, des problématiques éthiques et philosophiques, dans la publicité, la musique, les médias, le cinéma : consciemment ou non, nous sommes tous les héritiers des Humanités. Ainsi, se pencher aujourd'hui sur ces cultures antiques n'a rien d'anachronique, mais constitue au contraire un socle de réflexion à l'heure de comprendre ce que nous sommes et le modèle vers lequel nous tendons.




                                        Ce festival foisonnant propose durant 4 jours toutes sortes de manifestations diverses et variées, des plus érudites aux plus populaires, sous la forme de conférences, tables rondes,  expositions, ateliers, lectures, spectacles musicaux ou théâtraux, en partenariat avec des libraires, des éditeurs, des radios, et des troupes artistiques nationales et internationales. Surtout, il s'inscrit précisément dans la lignée des initiatives dont je vous parlais en introduction, et invite à traiter d'un sujet sérieux avec malice et légèreté. Les organisateurs ont choisi de multiplier les points de vue, les thématiques et les animations, toujours en visant l'excellence - la qualité des participants suffit à le démontrer - mais avec toujours en tête le souci de rester accessible et d'attirer le plus grand nombre. Enseignants, étudiants, professionnels de la culture sont évidemment les bienvenus, mais le festival s'adresse aussi à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, sont en contact avec l'antiquité et les langues anciennes (profs de toute matière, médecins ou avocats par exemple), ou même à monsieur ou madame tout le monde. Peu importe que vous parliez le  Grec ou le Latin : seules comptent la curiosité et l'envie d'apprendre et d'échanger avec des passionnés, dans une ambiance festive et décontractée. Impertinent, décalé, joyeux et décomplexé, le FELG dynamite les codes et ouvre la réflexion du rapport à l'antique à d'autres domaines, par le biais de manifestations joyeuses et vivantes. Quand même un comble, pour des langues mortes !  

L'empereur Claude, natif de Lyon.
Les conférences annoncées sont extrêmement diverses, de sorte que chacun y trouvera forcément son bonheur. Il y a, certes, du prévisible, du traditionnel, du convenu : "A quoi sert l'enseignement des Humanités ?" (par Gérard Collomb, Sénateur-maire de Lyon) ; "Les Empereurs Claude et Caracalla, natifs de Lyon" (par Albert Foulon, professeur émérite et Vice-président de l'UTL de Rennes);  "Sans la Grèce, l'Europe humaniste a-t-elle un sens? Notre mythologie de la Grèce." (par Georges Prevelakis, Professeur de Géopolitique à l'Université Panthéon-Sorbonne); "Dialogue en Méditerranée : Rome, l'Afrique et nous." (par Paul Mattéi de l'Université Lyon II)... J'aurais pu également citer Nicolas Boulic (Professeur agrégé de Lettres, Responsable pédagogique des Licences LM et LAS à Valence) et sa conférence consacrée à la "Modernité d'Aristophane ", Jean-Philippe Bidault , auteur de "Si l'argent m'était conté : l'invention de la monnaie par les Grecs", ou enfin Dominique Sels qui abordera "Les mots de l'amour chez Platon".

                                        Mais d'autres présentations traiteront de sujets directement liés à la culture populaire - ce qui n'est pas incompatible avec l'érudition. Seront ainsi abordés des thèmes aussi originaux que la "bande dessinée en Latin et en Grec" (par Marjorie Lévêque), "Dialogue Latin-Lyonnais Guignol-Gnafron" (Gérard Truchet), les "héros et super-héros de l'antiquité à nos jours" (par Robert Delord), "Epic, péplum, virtuel : miroir déformant ou retour aux textes ?" (par Guillaume Deheuvels) Où comment aborder l'héritage antique à travers des thèmes peut-être moins impressionnants et qui parlent à tous, familiers de l'antiquité ou non.

Des hoplites... à voir en vrai !
En parallèle se tiendront de nombreuses expositions et animations qui feront toute revivre l'empreinte laissée par l'antiquité dans notre inconscient collectif. Très souvent préparées par des élèves de collège et lycée, ces évènements permettent par ailleurs de juger de la vitalité de l'enseignement : des expositions sur Rome et la Grèce, des ateliers numismatiques ou consacrés aux langues anciennes et langues européennes, la tenue d'un espace jeux en partenariat avec la ludopole de Lyon, une exposition préparée par des élèves de Die, dans la Drôme ("Veni, Vidi, Volui : le latin et le grec dans mon caddie"), des chansons du groupe Téléphone reprises en Latin (!!) par des élèves de collège et lycée, une représentation de scènes du "Ploutos" d'Aristophane par des étudiants de prépa... Sans oublier que mon sang palermitain n'a fait qu'un tour à l'annonce de la présentation de l'histoire de la Sicile, accompagnée d'une sélection de contes extraits de la mythologie, choisis par la classe de terminale d'un lycée d'Acireale, en Sicile. Le tout ponctué par les démonstrations des hoplites de Didier Froesel - ce qui nous change des légionnaires et des gladiateurs. (Même si, personnellement, j'ai évidemment un faible pour les beaux soldats romains...)


                                        Mais ce n'est pas fini ! En marge de toutes ces animations, le festival organise d'autres manifestations. Par exemple, des banquets grecs - soit l'occasion de goûter des mets antiques et de se laisser distraire avec hoplites, danse, chant et théâtre. Daniel Cadé, pianiste à la carrière internationale et qui a notamment travaillé avec Pierre Boulez ou Daniel Barenboïm, se produira également dans le cadre du festival, et interprètera des œuvres de Glück, Beethoven, Szymanowsky, Debussy et De Falla, toutes inspirées par l'antiquité. Deux autres spectacles à signaler, ceux de la compagnie Skald (lien ici) qui, au croisement de diverses cultures (commedia dell'arte, flamenco, danse indienne, jazz, musiques celtique et médiévale, etc.) adapte et met en scène le répertoire mythologique et légendaire antique. Enfin (ouf !), le festival se clôturera le Dimanche par un défilé antique, prélude à une visite de Lyon incluant théâtre antique, aqueduc du Gier, sanctuaire de Cybèle, thermes, musée gallo-romain, etc.

Théâtre Antique de Fourvière à Lyon (© Brian Rosen)

                                        Et le pire, c'est que je n'ai pas tout détaillé ! Bref, largement de quoi rendre hystérique les accros d'antiquité - moi-même, en écrivant ces lignes, je suis au bord de l'apoplexie. Mais outre son incroyable richesse, le festival européen latin grec présente une autre particularité : vous pouvez certes y assister et vous remplir les mirettes et les neurones, mais vous pouvez également y participer de façon active - pardon pour le pléonasme. Le site des organisateurs précise ainsi que "une partie du public peut intervenir sous une forme ou une autre - classes chantant en canon en latin ou interprétant une scène de pièce, un sketch, faisant une exposition de dessins ou de bandes dessinées, peintre exposant ses œuvres sur la mythologie, inventeur de jeu testant son œuvre, étudiants exposant un sujet de thèse (dans tout domaine ayant un rapport avec le sujet), professeur parlant de ses recherches, journaliste exposant un de ses reportages passé ou à venir." Toutes les bonnes volontés sont donc les bienvenues, pour peu qu'elles aient des velléités antiquisantes, et leurs travaux seront examinés et peut-être sélectionnés.

                                        De plus, le festival organise un concours, "Jeux Et Créations". Ouvert à tous et en particulier aux classes et universités (toutes matières confondues), il se compose de deux parties indépendantes. La première vous invite à imaginer ou adapter un jeu ayant pour thème l'antiquité. Pour la seconde, il vous faudra créer... euh, à peu près ce que vous voulez (bijoux, poteries, vidéo, bande dessinée, chanson, dictionnaire, exposé...) toujours en rapport avec l'antiquité. Vous retrouverez toutes les modalités (règlement, inscription, etc.) ici.

                                        En conclusion, je voudrais répondre à une interrogation qui, à la lecture de cet article, a certainement effleuré bon nombre d'entre vous : pourquoi diantre apprendre une langue morte ?! Ou, formulée autrement : "A quoi servent le Latin et le Grec ?" Les spécialistes, professionnels, universitaires, professeurs, etc. ont tous d'excellents arguments, qu'ils exposeront bien mieux que je ne saurais le faire : elles facilitent l'apprentissage des langues étrangères, fournissent la clé de nombreuses étymologies, les déclinaisons et la structure des phrases sont une formidable gymnastique intellectuelle, elles permettent de venir au plus près des textes antiques... Que sais-je encore ? Mais on ne va pas vous mentir : fondamentalement, les langues anciennes sont loin d'être indispensables dans la vie de tous les jours. Cependant, leur principal avantage réside encore et toujours dans la façon dont tout ou presque, dans notre quotidien, nous renvoie aux mythes et aux sociétés antiques. Se donner les moyens de les comprendre, c'est s'ouvrir à notre monde et le voir sous un autre jour. En résumé, le Latin et le Grec, c'est comme le Smartphone, le chocolat ou la lessive en poudre : on peut très bien vivre sans, mais on vit nettement mieux avec ! Il suffit de venir faire un tour au FELG pour s'en convaincre.

"Nous avons appris que les élèves qui parlent Latin réussissent mieux à l'école. Alors cette année nous enseignons tout en Latin. " (© Education Week)



8EME FESTIVAL EUROPÉEN LATIN  & GREC.

Du 21 au 24 Mars 2013 à Lyon.

Pour tous renseignements ou pour s'inscrire : 

Tél. : 06 24 58 78 64
E-mail : latin.grec@orange.fr
Site internet : http://www.festival-latin-grec.eu

Et aussi l'ASSOCIATION FORTUNA JUVAT : http://associationfortunajuvat.wordpress.com/


dimanche 9 décembre 2012

Atelier Mosaïque / Le Petit Atelier Et L'Emporte-Pièce.

                                        En marge des articles de fond sur l'antiquité romaine, ce blog me permet également de partager mes coups de cœur, qu'il s'agisse de films, de livres, de médias ou - comme ça a souvent été le cas ces derniers temps - d'adresses, toujours en lien avec la romanité. J'ai la chance de vivre dans une région où les manifestations en rapport avec l'antiquité sont nombreuses et variées, ce qui me donne l'opportunité d'entrer en contact avec des personnalités toutes aussi diverses, passionnées par le domaine dans lequel elles ont choisi d'exercer. Or, Samedi 1er Décembre, j'ai fait la connaissance d'un de ces artisans, Véronique Pinguet-Michel, au cours d'un atelier mosaïque organisé au Mas Des Tourelles, auquel j'ai participé dans la cadre de l'association Carpefeuch. A travers ce billet, je vais tenter de vous raconter brièvement comment j'ai vécu cet atelier, afin de vous renseigner sur son déroulement.

LE PETIT ATELIER ET L’EMPORTE-PIÈCE.


                                        Mme Pinguet-Michel, artisan d'art, œuvre au sein de deux structures indépendantes mais convergentes : "Le Petit Atelier" et "L’Emporte-Pièce." L'association "Le Petit Atelier" organise plusieurs types d'activités artistiques, aussi bien pour les adultes que pour les enfants, dans l'optique d'une promotion de la création en tant que vecteur de développement et d'épanouissement personnel. Dis comme ça, je reconnais que ça pourrait passer par un joli laïus idéaliste... Sauf que l'Atelier ne se contente pas d'énoncer une si noble ambition, mais se donne également les moyens de la réaliser. Il propose ainsi de stages pour enfants ou pour adultes, intervient en milieu scolaire ou en centres de loisirs, organise des présentations des pratiques artistiques de l'antiquité sur des sites touristiques comme le Théâtre Antique d'Orange par exemple, met en place des ateliers de rue au sein des quartiers, etc. En marge des cours pour adultes (novices ou expérimentés), l'association joue donc un vrai rôle éducatif et recrée du lien social, souvent en partenariat avec d'autres structures visant un public ciblé, comme les jeunes en difficulté ou les personnes en situation de handicap.

Atelier Mosaïque au Collège. (© Le Petit Atelier.)

                                        Au sein de ce Petit Atelier, on propose aussi bien des séances de création de mosaïque que du dessin, de la peinture (fresque, notamment), du modelage, de l'impression sur textile, du travail sur argile, etc. Si une partie de ces activités reste liée aux techniques antiques, on peut aussi s'initier à l'art contemporain ou au land'art. Vous n'avez donc que l'embarras du choix. Les tarifs sont vraiment accessibles, et je peux vous assurer que vous passerez un excellent moment - avec, en prime, la satisfaction d'avoir créé quelque chose de vos blanches mains. Preuve que le but visé peut être atteint ! Pour plus de détails sur les réalisations et le programme du "Petit Atelier", je vous invite à visiter le blog de l'association, ici.

Atelier de Rue "anamorphose". (© Le Petit Atelier)


                                        En parallèle, Véronique Pinguet-Michel a lancé sa boutique en ligne, "L'Emporte Pièce", ici. Une mine d'idées cadeaux - et pas seulement pour les artistes - et de quoi rendre dingue les fanas d'antiquité. Reproductions de jeux romains (dés, osselets, latroncules), objets décoratifs (cadres, bougies, sculptures), savons, encens, porte-clefs, cartes, puzzles, plaques ornementales et cadrans solaires, une flopée d'objets personnalisés sur devis... Surtout, ne passez pas à côté des kits, qui vous fournissent tout le matériel nécessaire à la création de votre propre mosaïque, vos enluminures ou vos bijoux : pour avoir testé la mosaïque, je vous les recommande.

Exemple des produits proposés par l'Emporte-Pièce.

ATELIER MOSAÏQUE AU MAS DES TOURELLES.


                                        Car oui, comme je vous le disais en préambule, j'ai participé à l'un des ateliers de Véronique Pinguet-Michel. Mettons tout de suite les choses au clair : je maîtrise maintenant les bases de la technique (voir la conférence que je vous ai résumée ici), mais ça ne veut pas dire que la pratique m'est familière. Mon expérience artistique se résumait, il y a peu, à trois figurines en pâte à sel réalisées dans mon enfance, et c'est à peine si je sais dessiner (à part les girafes. Bizarrement, j'excelle en girafes.) Mais le ridicule ne tuant pas, je me suis risquée à la réalisation d'une mosaïque. Et me voici donc, en ce Samedi après-midi, dans une salle du Mas Des Tourelles, avec d'autres camarades de l'association Carpefeuch, prête à en découdre avec mes tesselles. Courageuse mais pas téméraire, j'ai opté pour un petit modèle (15 X 15), quand des aspirants mosaïstes moins pusillanimes ou plus entraînés, arrivés le matin, ont choisi de réaliser une œuvre de plus grande dimension (Ah ! Le "Carpe Diem" de Claude Aziza !).  

Les modèles mis à notre disposition.

                                        Véronique Pinguet-Michel nous demande si nous souhaitons réaliser notre propre motif, ou si nous préférons piocher dans les modèles mis à notre disposition : personne n'ayant songé à chercher une illustration à reproduire, nous nous empressons d'accepter sa proposition. Figures géométriques, fleurs, animaux, motifs ornementaux... Tandis que mes acolytes arrêtent leur choix sur un oiseau, un poisson ou une svastika, j'hésite entre un escargot - qui me plaît beaucoup, mais qui me semble un peu compliqué pour mes deux mains gauches - et un cheval. Lorsque notre intervenante m'annonce que "le cheval, c'est facile : une petite fille de 8 ans l'a fait tout à l'heure en une heure.", j'ai quand même un sursaut d'orgueil. Un peu d'ambition, que Diable ! Et c'est donc parti pour l'escargot.

Le modèle copié par Colette, plus courageuse que moi.

                                        Les consignes sont simples : une fois les couleurs sélectionnées, prendre une poignée de tesselles (en plâtre céramique teintée et prédécoupées), déposer une bonne dose de colle vinylique sur le carton sur lequel est imprimé le motif choisi, et déposer les tesselles, en partant du centre vers l'extérieur. Sauf que, dans mon cas, la coquille de l'escargot forme une spirale (c'est logique, en même temps), et qu'il me faut recouper les tesselles en triangles ou en rectangles plus petits. Mes premières tentatives sont hésitantes, je sème des éclats un peu partout, comme un petit poucet antique... Je commence à penser que j'ai effectivement le niveau d'un CE2, et que j'aurais mieux fait de m'en tenir au cheval. Mais après quelques tâtonnements, je saisis le truc, et la coquille de mon gastéropode prend forme. Très lentement - pour ça, je suis raccord avec mon sujet - mais elle prend forme, dans une ambiance bon enfant, entre discussions légères et blagues fusant autour de la table. J'ai la nette impression qu'autour de moi, tout le monde va beaucoup plus vite et que j'y serai encore le lendemain, j'ai les doigts recouverts de colle et le plan de travail parsemé de tesselles, mais je m'opiniâtre. Je coupe, j’enduis, je colle, soigneusement et minutieusement. Un peu trop, d'ailleurs : apparemment, je serre trop mes tesselles et en plus, j'en ai disposé une du mauvais côté. Véronique me corrige gentiment, et sauve mon escargot !

Des élèves appliquées...

                                        Une bonne demi-heure plus tard, la bestiole est enfin terminée, et il ne me reste plus qu'à faire mon fond. Je suis d'autant plus rassérénée que mes camarades m'assurent que mon escargot est réussi, et que ma tâche est maintenant beaucoup plus facile : je n'ai plus besoin de couper mes tesselles, que je peux joyeusement placer à la chaîne, une fois mon carton enduit de colle. Je rattrape mon retard, et j'achève ma mosaïque après une bonne heure de travail. Je ne suis pas mécontente : on reconnaît clairement un escargot, c'est déjà ça. Ce n'est pas terminé pour autant.

                                        Étape suivante, j'applique sur mon chef d’œuvre en devenir un mélange de colle et de vernis, qui va raviver les couleurs, et que je dois laisser sécher une vingtaine de minutes. Le temps de faire le tour du marché de Noël qu se tient au Mas des Tourelles, et d'acheter des marrons glacés car toute peine mérite salaire. Puis, une fois le vernis sec, je dois jointoyer. Concrètement je tartine avec entrain ma mosaïque à la spatule, de façon à faire pénétrer la matière entre les tesselles, avant d'ôter l'excédent. A ce moment, nous en sommes tous à des stades différents : certains en sont encore à coller leurs tesselles (pour les plus grands modèles), d'autres vernissent, et d'autres ont terminé depuis belle lurette. Mais honnêtement, je n'y fais guère attention, mes yeux rivés sur mon petit escargot à moi, que je porte comme s'il s'agissait du Saint Sacrement !

Véronique en train de vernir la mosaïque de Claude Aziza.

                                         Voilà : ma mosaïque est maintenant terminée... ou presque. Véronique m'explique que je dois la laisser sécher 24 heures, avant de la nettoyer avec une éponge humide afin d'ôter le reliquat de la pâte de jointure. Ce que je ferai, deux jours plus tard car deux précautions valent mieux qu'une... Le résultat final, vous pouvez le voir ci-dessous : soyez indulgent, car je vous rappelle qu'il s'agit d'un coup d'essai ! Pour ma part, vu que j'étais persuadée de me planter en beauté, je suis très satisfaite de mon œuvre, qui trône désormais dans ma cuisine.


                                        En conclusion, j'ai passé une excellente après-midi, en bonne compagnie (des gens que j'avais déjà déjà rencontrés, et d'autres que je ne connaissais pas) et avec une animatrice hors pair, pédagogue et surtout très sympathique. Et, cerise sur le gâteau (ou plutôt garum sur la patina), je repars toute fière, enchantée de ma mosaïque, moi qui m'imaginais si peu manuelle. Comme quoi, si j'y suis arrivée, n'importe qui peut le faire ! D'ailleurs, je suis bien décidée à ne pas en rester là, et à retenter l'expérience avec un des kits de l'Emporte-Pièce. Dommage qu'il n'y ait pas de girafes - j'aurais assuré !

Davantage de photos sur le site de Carpefeuch, ici.

Pour plus de renseignements :

LE PETIT ATELIER DE L'EMPORTE-PIÈCE.


Contact : Véronique Pinguet-Michel.

7 rue Siegfried
30000 Nîmes

Tél. : 04 66 64 74 05
Site : http://lepetitatelier.over-blog.net
Courriel : petitatelier@emporte-piece.net


L'EMPORTE-PIECE.

Même adresse et même téléphone.
Site : www.emporte-piece.net
Courriel : contact@emporte-piece.net
 

mercredi 5 décembre 2012

Pertinax : les plus courtes sont les meilleures.

                                        Normalement, mon blog est sensé traiter de l'Histoire de Rome. Or je suis bien obligée d'admettre que, jusqu'à présent, je me suis principalement concentrée sur la naissance de l'Urbs, la République et le règne des Julio-Claudiens. Il est largement temps d'y remédier, en s'intéressant aux évènements ultérieurs et aux autres personnages et Empereurs qui ont marqué l'Empire romain de leur empreinte. Comme d'habitude, j'ai opéré mon choix de façon totalement arbitraire, et je vous invite aujourd'hui à découvrir le successeur de Commode, l'Empereur Pertinax.

Buste de Pertinax. (Musée du Vatican)

                                        Publius Helvius Pertinax serait né le 1er Août 126, dans la ville italienne d'Alba Pompeia. Son père, Helvius Successus, est un ancien esclave de Ligurie affranchi par son maître. Il aurait choisi d'appeler son fils Pertinax pour commémorer la persévérance grâce à laquelle il avait réussi à monter sa propre entreprise textile, commerce florissant qui lui permet d'employer sa nouvelle fortune à envoyer son fils dans les meilleures écoles de Rome. Pertinax commence tout d'abord une carrière d'enseignant (grammaticus). Mais le poste ne lui convient pas : précurseur de l'UNSA, il juge apparemment le travail trop ingrat et pas assez lucratif ! Aussi rejoint-il la légion, grâce à l'appui de l'ancien maître de son père. Grâce à l'éducation reçue, il n'est pas intégré en tant que simple soldat mais obtient directement le grade de centurion dans une cohorte en Syrie, vers 160. S'il n'entame que tardivement sa carrière militaire, il s’avère que celle-ci lui convient parfaitement, et Pertinax révéle très vite de remarquables dispositions.

                                        A partir de 162, il prend part à la campagne contre les Parthes, au cours de laquelle il se distingue et décroche plusieurs promotions. Vers 166, devenu tribun militaire, il est transféré en Grande-Bretagne puis, un an plus tard, sur le Danube où il commande un escadron de cavalerie et en 168, il dirige la flotte romaine le long du Rhin. Au terme de cette ascension et ayant réussi à se faire un nom, Pertinax revient à la vie civile : il devient procurateur de rang équestre en Italie, chargé des distributions alimentaires. Puis il reçoit un autre poste de procurateur, cette fois en Dacie, en 169.

                                        Mais il est ensuite rappelé dans les rangs de la légion, afin de servir lors des guerres menées par l'Empereur Marc-Aurèle sur le Danube. Il est alors chargé de commander les vexillationes, une unité indépendante formée d'hommes détachés de leur propre légion.Une nouvelle fois, il fait la preuve de ses compétences face aux Quades et aux Marcomans et, en 170, il est promu au rang de Sénateur et devient préteur de Rhétie, avec le commandement d'une légion. Nommé consul suffect 5 ans plus tard, il participe à la répression de la révolte d'Avidius Cassius en Syrie, et est ensuite nommé gouverneur de Mésie supérieure et inférieure, de Dacie, Dacie inférieure et supérieure, puis de Syrie, entre 176 et 179. 


L'Empereur Commode.

                                        A la mort de Marc-Aurèle, son fils Commode lui succède. Et c'est loin d'être une bonne nouvelle pour Pertinax, qui se trouve dans le collimateur de Sextius Tiginnus Perennis, le favori du nouvel Empereur. Il a épousé Titiana, la fille d'un sénateur, dont il a eu un fils, également nommé Pertinax mais, soupçonné d'avoir frayé avec les conspirateurs ayant ourdi une conjuration en 182, il se retire de la vie publique. Il retourne alors en Ligurie, où il reprend l'entreprise paternelle.

                                        Trois ans plus tard, à la mort de Perennis, Commode le rappelle afin d'écraser une mutinerie  militaire en Bretagne. Il s'y emploie en punissant sévèrement les rebelles, ce qui accroît sa réputation de sévérité. Il est relevé de son commandement en 187 - la raison avancée étant l'hostilité des légionnaires, de plus en plus mécontents de la discipline extrême. Il est ensuite nommé proconsul de la province africaine, en 188. L'année suivante, il rentre à Rome et devient Préfet de la Ville, et à nouveau consul en 192, aux côtés de l’Empereur lui-même.



La mort de Commode. (Source : www.heritage-history.com )


                                        Mais le comportement de Commode est de plus en plus violent et hiératique, au point que les complots contre sa personne se multiplient. Pertinax a-t-il été impliqué dans la conspiration qui met un terme au règne de Commode ? Rien ne permet de l'affirmer. Néanmoins, le 31 Décembre 192, l'Empereur est assassiné. Mais les conjurés, le préfet du prétoire Laetus et Eclectus, ont besoin de temps pour mener leur plan à bien. Ils font donc envelopper le cadavre de Commode dans des draps, et le font transporter à l'extérieur par des esclaves, qui passent devant les gardes prétoriens en affirmant  transporter un paquet de linge sale... Pendant ce temps, Laetus et Eclectus se présentent chez Pertinax, le pressant de succéder à Commode. Convaincu de la mort du tyran, Pertinax se rend sur le champ auprès des prétoriens, et leur offre 12 000 sesterces par tête afin de s'assurer leur fidélité. Dans la foulée, il réunit le Sénat où il est chaleureusement  accueilli. Le 1er Janvier 193, Pertinax, fils d'un ancien esclave, est proclamé empereur.


"Avant que I'assassinat de Commode fût encore rendu public, Eclectus et Laetus vinrent le trouver et lui déclarèrent ce qui s'était passé ; ils n'hésitaient pas, en considération de sa vertu et de sa dignité, à le choisir pour empereur. A leur vue et au langage qu'ils lui tenaient, Pertinax envoya le plus fidèle de ses amis visiter le corps de Commode. Lorsque le fait lui fut confirmé, alors il se rendit secrètement au camp, ce qui d'abord frappa les soldats d'étonnement, mais la présence de Laetus et les promesses du nouvel empereur les lui concilièrent." (Dion Cassius, "Histoire Romaine", LXXIII - 1)



Certes, l'ascension sociale est fulgurante et force le respect. Mais Empereur de Rome, c'est loin d'être une sinécure - surtout lorsqu'on succède à Commode, cet allumé ! La situation financière, en particulier, est catastrophique puisque les caisses sont complètement vides. Et il faut encore payer les prétoriens auxquels, je vous le rappelle, il a promis 12 000 sesterces ! L'erreur que commet Pertinax, c'est de vouloir accomplir ses réformes trop rapidement, sans prendre le soin de s'assurer les soutiens nécessaires. A peine arrivé au pouvoir, il tente de renflouer le trésor, tout en maintenant l'ordre. Pour se faire, il fait adopter plusieurs mesures :


  • Il fait renverser toutes les statues de Commode et le déclare ennemi public.
  • Il réhabilite la mémoire de ceux qui ont été injustement exécutés par son prédécesseur.
  • Il vend aux enchères l'ensemble des possessions de Commode (esclaves et concubines inclus)
  • Il procède à une ré-évaluation de la monnaie, la teneur en argent du denier passant de 74% à 87%
  • Il autorise l'occupation des terres en friche aux cultivateurs, reprenant une disposition initiée par Hadrien.
                                        Mais tout cela ne suffit pas. Pertinax est contraint de réduire le train de vie de l'état de façon drastique, et il ne verse que la moitié de la somme promise aux prétoriens - qui commençaient à s'agiter sérieusement, impatients de toucher leur dû. De plus, fidèle à sa réputation, il impose une stricte discipline aux soldats. Naturellement, les prétoriens sont furieux, et n'entendent pas se laisser dicter leur conduite par ce fils d'esclave, cet ancien pédagogue, ce pingre de tisserand ! 
"Les rapines et les violences leur étaient interdites; on les avait assujettis à une discipline plus exacte; ils prétendaient qu'on les méprisait; que sous prétexte de les ranger à leur devoir, on ne cherchait qu'a les mortifier et à leur ôter leur liberté. Ils voyaient bien qu'ils trouveraient mieux leur compte dans le trouble d'une domination tyrannique que dans la tranquillité présente. Ils devinrent peu à peu moins soumis, leurs officiers n'en venaient à bout qu'avec beaucoup de peine; mais les choses allèrent bientôt plus loin."                                                       (Hérodien, "Histoire Romaine", Livre II.)
Il se met aussi à dos les affranchis impériaux, qu'il accuse de détournements de fonds. Son manque de finesse politique lui vaut donc l'hostilité conjointe des prétoriens et des fonctionnaires.  



Reconstitution virtuelle de Pertinax. ( Codrin.B et Viducus Brigantici filius via www.deomercurio.be )


                                        On aurait pu croire que le peuple, a contrario, soutiendrait ce nouvel Empereur, si différent de la brute épaisse à laquelle il a succédé : non seulement il a l'air de savoir ce qu'il fait, mais en plus il a mis un terme aux exactions des militaires qui, sous Commode, insultaient et frappaient les passants dans les rues de Rome. Et bien, il n'en est rien ! Gavée de jeux et de spectacles sous le règne précédent, la plèbe en a déjà assez de Pertinax et de sa politique d'austérité. (Toute ressemblance avec des personnages existants etc.) Il gagne rapidement une réputation de vieux soldat grincheux, rigide et avare - on raconte même qu'avant de revêtir la Pourpre, il ne servait à ses convives que des moitiés d’artichaut et de laitue...

                                        Dans ces circonstances, pas besoin d'être devin pour comprendre que les jours de Pertinax sont comptés. Dès le 3 janvier 193, un complot avait échoué, lorsque les soldats avaient tenté de le remplacer par un autre Sénateur. Deux mois plus tard, rebelote : alors que Pertinax inspecte les installations du port d'Ostie, il est alerté d'une nouvelle tentative de coup d'état, les prétoriens (encore eux !) ayant cette fois misé sur le consul Quintus Sosius Falco. Le complot est éventé, mais Pertinax accorde son pardon à Falco. En revanche, plusieurs soldats sont condamnés à mort.

                                        Ces exécutions, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase : le 28 Mars, 300 gardes prétoriens (ou 200, selon Dion Cassius) quittent leur caserne et déferlent sur le palais, envahissant les appartements de l'Empereur. Ses propres gardes ont déserté et le préfet Laetus, qui l'avait porté au pouvoir et que Pertinax a envoyé parlementer avec les émeutiers, préfère tout bonnement rentrer chez lui ! Force est de constater que Pertinax a du cran : il refuse de prendre la fuite et, loin de se laisser impressionner par cette horde furieuse, il tente calmement de les ramener à la raison. Il fait état des difficultés financières, en appelle à leur loyauté, à leur sens du devoir, et les exhorte à déposer leurs armes. Il est sur le point de les convaincre quand l'un d'eux, trop excité ou trop borné pour entendre les arguments de l'Empereur, se jette sur lui et lui plonge son glaive dans la poitrine. Pertinax s'effondre et, se couvrant la tête d'un pan de son manteau, se laisse massacrer par les prétoriens déchaînés. Ceux-ci lui coupent la tête et la plantent sur une pique, avant de défiler dans les rues de Rome.

"En plein midi, lorsqu'on y pensait le moins, et que chacun était retiré chez soi pendant la grande chaleur, ils coururent au palais comme des furieux, l'épée nue et la pique baissée. Les officiers de l'empereur, épouvantés d'une émeute si soudaine, se trouvant en petit nombre et sans armes, prirent la fuite. Quelques uns, plus fidèles et moins timides, allèrent avertir Pertinax, et lui conseillèrent de se sauver et de se jeter entre les bras du peuple. Ce parti, quoique le plus sûr, lui parut peu honnête et trop indigne de son rang, de son caractère et de la réputation qu'il s'était faite : il ne pensa donc ni à fuir, ni à se cacher; mais allant au devant du péril, il s'avança pour parler aux soldats, il espérait de réprimer par sa présence cette fougue insensée. Il parut hors de sa chambre, et leur demanda quelle raison ou plutôt quelle fureur les animait. Il garda sa gravité ordinaire, ne perdit rien de sa majesté, et sans pâlir, sans trembler, sans prendre un ton de suppliant, il leur dit : « Quel est votre dessein, et que prétendez-vous faire? Tuer un vieillard qui n'a que trop vécu, et qui a acquis assez de gloire pour n'avoir pas de regret de la vie? aussi bien faudra-t-il toujours en venir à ce terme, et je n'en suis pas fort éloigné. Mais que-vous, qui êtes commis à la garde du prince, qui êtes chargés de sa conservation et de sa vie, qui en répondez à tout l'empire; que vous, qui êtes armés pour sa défense, vous deveniez ses assassins; que vous trempiez vos mains dans le sang, non d'un simple citoyen, mais de votre empereur, c'est un attentat qui peut avoir pour vous d'aussi dangereuses suites qu'il est en lui-même horrible et inouï ! (...) » Ce discours eu avait déjà ébranlé un grand nombre, et quelques-uns s'étaient retirés, frappés par cet air de majesté que sa vieillesse augmentait; mais quelques autres, plus furieux, le tuèrent comme il achevait de parler." (Hérodien, Ibid.)



Buste de Septime Sévère.
Pertinax n'aura exercé le pouvoir que deux mois et 25 jours - faisant de son règne l'un des plus courts de l'Histoire de Rome. Son assassinat déclenche une énième guerre civile. Didius Julianus succède à Pertinax mais, la même année, il est renversé par Septime Sévère. Celui-ci déclare immédiatement Didius Julianus imposteur, reconnaissant Pertinax comme Empereur légitime. Il fait exécuter ses meurtriers, lui organise des funérailles d'État et obtient du Sénat son apothéose. Il va même jusqu'à adopter le cognonem de Pertinax, et pendant plusieurs années, il commémorera l'anniversaire de sa naissance et de son couronnement par des jeux. S'ouvre maintenant le temps de la dynastie des Sévères... Mais c'est encore une autre histoire !