mardi 20 mars 2012

Tempus Fugit - Le Temps Chez Les Romains.

                                        Dans mon dernier billet, j'évoquais la mort de Jules César et j'en mentionnais évidemment la date - le 15 mars 44 avant J.C., les fameuses "ides de Mars". Mais peut-être vous demandez-vous ce que sont exactement les "Ides" ? Et, plus globalement, comment les Romains notaient les dates et comment s'organisait leur calendrier ? C'est une excellente question - que je vous remercie de ne pas m'avoir posée - et à laquelle je vais tenter de répondre. Je dis "tenter", parce que c'est pas gagné !

                                        Déjà, il faut savoir qu'il y a eu plusieurs calendriers en vigueur avant la réforme définitive, que l'on doit à Jules César en 45 avant J.C. : citons le calendrier Romuléen, le calendrier Pompilien et le calendrier républicain. Mais je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'entrer dans les détails : c'est déjà suffisamment complexe pour qu'on évite d'en rajouter, et ça n'apporterait de toute façon pas grand-chose. Cependant, pour plus de renseignements, n'hésitez pas à me contacter.

I) L'ANNEE.
Elle était désignée soit par le nom des consuls (y compris sous l'Empire) - M. Tullius Cicero coss. (pour consulibus), soit par rapport à la fondation de Rome (fixée en 753 avant J.C.) - DCCCXVIII (818) U.C. ou p. U. C. (Urbis Conditae ou post Urbem conditam - avant ou après la fondation de la ville.)

II) LE MOIS.
Les noms des douze mois sont les suivants : 
Januarius - mois de Janus
Februarius - dérivé d'un mot sabin signifiant purification
Mars - en l'honneur, bien sûr, du Dieu de la Guerre. C'était le premier mois de l'année
Aprilius - origine inconnue
Maius - éponyme du Dieu de la croissance
Junius  - en l'honneur de Junon
Quinctilis - 5ème mois de l'année, devenu ensuite Julius - en l'honneur de César
Sextilis - 6ème mois, changé plus tard en Augustus - en l'honneur d'Auguste
September -7ème mois
October  - 8ème mois
November - 9ème mois
December - 10ème mois - on rappelle que l'année débutait en Mars.

                                        Et c'est là que ça se complique... Dans les premiers calendriers, les mois suivaient le cours de la lune : l'année comptait 355 jours et on ajoutait tous les deux ans un mois intercalaire. Sauf que, pendant les guerres civiles, les pontifes ayant d'autres chats à fouetter, ils ont négligé "d'intercaler" ! Résultat, c'était la panique : les fêtes célébrant les moissons tombaient au moment des semailles, et on fêtait l'été en Novembre. (Je caricature à peine...) Heureusement, ce brave Jules César allait remettre de l'ordre dans tout ça : en 45 avant J.C., il consulte à droite et à gauche, et nous pond le calendrier Julien encore utilisé aujourd'hui (hormis quelques modifications au XVIème siècle) : 365 jours par an, avec un jour supplémentaire tous les quatre ans, et des mois de 30 ou 31 jours. Bonsoir, merci : de rien, messieurs dames !
                                        Les mois eux-mêmes sont partagés en trois parties inégales, délimitées par les Calendes (le 1er du mois), les Nones (8 jours avant les Ides. Mais comme on incluait les jours des Nones et des Ides, ça faisait 9 jours - d'où le nom Nones) et les Ides (coïncidant en théorie avec la pleine lune - en pratique, la 13 ou le 15 selon le mois.)
                                        On nommait les jours en partant des Calendes, Nones ou Ides à venir - en incluant ce jour dans le décompte. Par exemple : 4ème jour avant les Nones de Mai (donc, trois jours pour nous...) - a.d. IV Nonas Maias.

J'aurais peut-être dû prévenir que ce billet risquait de provoquer des commotions cérébrales...

III) LES JOURS.

Gardez l'aspirine à portée de main : les complications ne sont pas finies !

                                        Les jours étaient divisés en plusieurs catégories. Pour commencer, il y avait des jours fastes et des jours néfastes (de fas, droit religieux) : les jours fastes, il était permis de rendre la justice - au contraire, c'était interdit les jours néfastes. Certains jours néfastes étaient, en plus, considérés comme funestes - commémoration de défaites, de catastrophes, fête des morts, dernier jour du mois. Parmi les jours fastes, on distinguait les jours ouvrables (profesti), fériés (festi), fériés le matin et le soir mais ouvrables la journée (intercisi), fériés uniquement le matin (fissi). Pauvres Romains, ai-je envie de dire !
Les jours fériés, le travail était interdit - aux hommes comme aux bêtes. Les jours ouvrables, quant à eux, pouvaient être comitiales (comices et administration de la justice autorisés) ou fasti (seule l'administration de la justice pouvait avoir lieu.)

IV) LA SEMAINE.

                                        Le mot semaine vient  de septem et mane, sept matins. Ce sont les Babyloniens qui, les premiers, ont effectué ce regroupement de 7 jours : ils avaient remarqué 7 astres qui se déplaçaient au fil des nuits, et avaient attribué à chacun le nom d'un Dieu. L'innovation se transmit aux Grecs, qui remplacèrent les noms des Dieux babyloniens par les leurs, et les Romains firent de même au Ier siècle avant J.C. Les jours rebaptisés une nouvelle fois étaient les suivants :
Lunae dies - jour de la lune (Lundi)
Martis dies - jour de Mars (Mardi)
Mercoris dies - jour de Mercure (Mercredi)
Jovis dies - jour de Jupiter (Jeudi)
Veneris dies - jour de Vénus (Vendredi)
Saturni dies - jour de saturne (Samedi - qu'on retrouve dans Saturday en Anglais)
Solis dies - jour du soleil (Dimanche - Sunday en Anglais)

V) LES FETES.

                                        Là encore, il en existait de deux sortes : fixes (statae, annoncées par les pontifes) ou mobiles (indictae, dont la date est décidée par un magistrat.) Je consacrerai un autre article aux principales fêtes célébrées à Rome.

Voilà pour les dates ! Vous êtes d'attaque, on continue avec les divisions de la journée ?!

VI) LES HEURES.

Et bien les Romains employaient deux systèmes similaires pour les heures du jour et de la nuit.

                                        Le jour était partagé en 12 "heures", du lever au coucher du soleil : la durée de ces périodes variait donc d'une saison à l'autre. Le seul point fixe était midi, où commençait invariablement la septième heure. Dans la pratique, on distinguait mane (jusqu'à 8 heures du matin), ad meridiem (jusqu'à midi), de meridie (jusqu'à 16 heures) et suprema (jusqu'au coucher du soleil).
                                        La nuit, c'était à peu près la même chose : on divisait le temps en 4 veilles, du coucher au lever du soleil (rebelote pour la variation de durée selon la saison), avec un point fixe à minuit, début de la troisième veille.

                                        Ajoutons, enfin, que les Romains utilisaient comme instruments de mesure les clepsydres et les cadrans solaires (qu'ils avaient piqués aux Grecs) - que l'on retrouve dans tout l'Empire (Italie, Espagne, Afrique, Germanie, Dacie etc.), aussi bien dans les lieux publics que dans les maisons particulières.

                                        A ce sujet, terminons sur une note plus légère, avec une anecdote assez croquignolesque, empruntée à Pline l'Ancien :

Le premier cadran solaire de Rome avait été ramené de Catane après la première guerre punique par le consul M. Valerius Messala (263 av. J.-C.). Or, l'objet avait été construit pour une latitude de 4 degrés et demi, qui ne correspondait pas à celle de Rome, ce qui entraînait un décalage d'environ 30 minutes. Et bien, nos amis Romains l'utilisèrent quand même pendant près d'un siècle !

"Le premier qui donna aux Romains un cadran solaire, onze ans avant la guerre de Pyrrhos, fut L. Papirius Cursor, qui l'établit auprès du temple de Quirinus, dont son père avait fait le voeu, et dont lui fit la dédicace (an de Rome : 461) c'est du moins ce que rapporte Fabius Vestalis; mais il n'indique ni la manière dont ce cadran était disposé, ni le nom de l'artiste, ni d'où le cadran avait été apporté, ni dans quel auteur il avait lu ce fait. M. Varron rapporte que le premier cadran établi en public le fut auprès des Rostres, sur une colonne, lors de la première guerre punique, par M. Valérius Messala, consul, après la prise de Catane en Sicile.

Il fut donc apporté de là 30 ans après la date assignée au cadran de Papirius, l'an de Rome 491. Remarquez que les lignes qui y étaient tracées ne concordaient pas avec les heures. Cependant on s'en servit quatre-vingt dix-neuf ans, jusqu'à ce que L. Martius Philippus, qui fut censeur avec L. Paulus, en fit poser près de l'autre un mieux approprié; et parmi les actes de sa censure ce fut un des mieux reçus.

Néanmoins, quand le temps était couvert, les heures étaient Incertaines, et il en fut ainsi jusqu'au lustre suivant. Alors Scipion Nasica, collègue de Laenas, marqua le premier, à l'aide d'une clepsydre à eau, les heures tant le jour que la nuit ; il la plaça dans un lieu couvert, et en fit la dédicace l'an de Rome 595."

(Pline l'Ancien, Histoires Naturelles, Livre VII - LX.)

Personnellement, c'est une histoire qui m'a toujours beaucoup amusée ! Et Dieu sait qu'il est bon de rire après s'être bien cassé la tête sur la mesure du temps par les Romains !
Et encore : j'ai simplifié. Si, si...

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