dimanche 12 janvier 2014

Revue De Presse : "L'Histoire" - Janvier 2014.

                                        Chaque année comporte son lot de commémorations : les 50 ans de ceci, le bicentenaire de cela... Cette année 2014 ne fait pas exception à la règle, mais un évènement nous concerne directement, nous autres passionnés d'Antiquité romaine : les 2000 ans de la mort de l'Empereur Auguste. Grande admiratrice de l’œuvre du fondateur de ce que l'on a coutume d'appeler l'Empire romain, je suis ravie de voir que l'évènement suscite déjà quelques publications, et surtout une exposition, à venir au Grand Palais du 19 Mars au 13 Juillet. Auguste sera également mis à l'honneur dans le cadre des Jeux Romains de Nîmes, qui se tiendront le week-end du 17 Mai. Mais pour ouvrir cette année commémorant la mort d'Auguste, on pourra commencer par se plonger dans le numéro de la revue "L'Histoire" paru en fin d'année dernière, et qui lui accorde une large place.

                                        Sous le titre "Auguste, fondateur d'Empire", le magazine consacre à notre homme une cinquantaine de pages, soit un dossier consistant qui aborde plusieurs thématiques. De nombreux contributeurs - parmi lesquels Maurice Sartre, Paul Veyne ou Frédéric Hurlet - se penchent sur divers aspects du règne d'Auguste : les réformes institutionnelles et la transformation de la République en principat, sa politique vis-à-vis de l'Orient et la manière dont il parvint à unifier les deux moitiés de l'Empire, la mise en place d'une poste impériale, l'apogée territoriale de Rome, etc. Malgré la variété des angles choisis, l'ensemble ne manque pas de cohérence et deux problématiques apparaissent en filigrane : la nature du nouveau régime d'une part, et la propagande augustéenne d'autre part.

                                        La première question sous-tend l'ensemble du dossier : succédant à une République oligarchique déchirée par les guerres opposant entre eux les généraux romains, le principat concentre en réalité la majeure partie des pouvoirs entre les mains d'un seul homme. Pourtant, Auguste se présente comme le restaurateur de l'ancien régime et prétend gouverner avec le Sénat, en tant que princeps - soit le premier des citoyens romains. On présente souvent ce paradoxe en disant qu'Auguste est parvenu à instaurer une monarchie, tout en maintenant l'illusion de la République. Un point de vue que nuance Catherine Virdoulet, en soulignant par exemple la restauration et le respect des institutions républicaines, ainsi que la manière dont Auguste s'appuie sur le personnel politique issu de la République. Elle reconnaît toutefois que le principat est bien l'aboutissement d'une nouvelle forme de gouvernement, une construction originale qu succède à un régime dont la succession de guerres civiles a prouvé l'inadaptation. Dans le même ordre d'idée, la confrontation des thèses de Theodor Mommsen et de Ronald Syme contribue à éclairer le débat : là où le premier voit dans le principat une dyarchie entre le Prince et le Sénat, le second pense qu'Auguste a bien instauré par la ruse une monarchie de fait. Sans apporter de conclusion définitive, le magazine rapproche finalement les différentes interprétations, en atténuant chacun des points de vue.






                                        Tout aussi intéressant, le thème de la propagande est largement abordé tout au long des différents articles : qu'il s'agisse de la religion (avec l’apothéose et la divinisation), de la famille impériale et de la transmission du pouvoir par laquelle Auguste créé une dynastie, de l'architecture, de la littérature et de l'humour, de la statuaire, du concept de pax romana : chaque article semble souligner comment Auguste est parvenu à imposer de lui et de son règne cette image de gloire et de puissance qui a subsisté jusqu'à nos jours. A posteriori, le magazine analyse également l'idée proverbiale de la "clémence d'Auguste", et comment Montaigne ou Corneille ont tenté de tirer du règne des leçons de gouvernance politique, à l'inverse d'un Montesquieu ou d'un Voltaire, beaucoup plus critiques. De même, la récupération de la figure d'Auguste par Mussolini dans les années 30, justifiant à la fois l'impérialisme italien et les prétentions totalitaristes du Duce, fait l'objet d'un article pertinent, qui permet également de comprendre pourquoi l'anniversaire que nous célébrons cette année ne fait l'objet que de modestes manifestations chez nos voisins transalpins...

                                        Outre les articles de fond, on lira également au fil des pages quelques entrefilets sur la signification du nom Auguste (mais j'aborde le sujet dans mon prochain billet...), le regard que les premiers Chrétiens portèrent sur son règne, l’œuvre de Virgile et son exaltation de la Rome augustéenne, ou encore sur les représentations géographiques de l'époque. Le tout, magnifiquement illustré et ponctué de schémas, tableaux, d'un lexique et d'un arbre généalogique, rendant très accessible la lecture de ce dossier.

                                        Comme toujours, "L'Histoire" offre donc des articles de qualité, qui reprennent les grands thèmes du règne d'Auguste tout en soulevant quelques questions pertinentes. Un apéritif idéal en attendant la suite des publications qui ne manqueront pas de saluer le fondateur de l'Empire romain, 2000 ans après sa mort.

"L'Histoire" n°395 - Janvier 2014.
Lien : http://www.histoire.presse.fr/mensuel/395
6€40.

  

    

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