mercredi 12 mars 2014

César Dans Les Séries TV : 5 Références Inattendues.


                                        Vendredi prochain, nous serons le 14 Mars. Cette date ne vous évoque peut-être rien mais moi, obsédée comme je le suis, je songe immédiatement aux fameuses Ides de Mars. Et oui, c'est bien le 14 Mars 44 avant J.C. que Jules César a été poignardé par Brutus, Cassius et toute la clique, et je ne peux pas m'empêcher d'y penser...  Alors, pour commémorer cet évènement, j'ai cherché une idée originale et si possible amusante. Parce que d'accord, c'est très triste (surtout pour César), mais on ne va quand même pas se couvrir la tête de cendres ou pleurer des larmes de sang. Au lieu d'une biographie de César ou d'un exposé sur les motivations de Brutus, j'ai décidé de concilier deux de mes marottes : les séries TV et l'Antiquité romaine.

                                        Pour se faire, je vous propose un petit top 5 des références à Jules César sur le petit écran. Et cette fois, on ne parlera pas de "Rome" ! Si cette série met effectivement en scène notre Imperator, retranscrivant même assez fidèlement sa mort telle que la rapporte Suétone, je pars du principe que vous n'avez pas besoin de moi pour vous y reporter. En revanche, les allusions ou représentations que j'ai choisies sont plus saugrenues et donc assez inattendues...

5.) BUFFY CONTRE LES VAMPIRES.


                                        Ma grand-mère disait toujours qu'un moment de honte était vite passé. J'espère qu'elle avait raison puisque, je le confesse, j'ai été une grande fan de "Buffy Contre Les Vampires". A quoi pense-t-on quand on a 15 ans ?!! En tous cas, cette série mémorable m'est immédiatement venue en tête en préparant cet article, puisque contre toute attente, Jules César y est évoqué à deux reprises. Tout d'abord dans l'épisode "Le Démon d'Halloween" (Saison 4 Épisode 4) : Willow,  passionnée de sorcellerie, ne se sent pas soutenue par Oz, son petit ami, qui lui fait part de ses inquiétudes : un sort, ça peut toujours mal tourner. "C'est ça, Brutus.", rétorque-t-elle avec ironie. Devant l'air interrogatif de ses amis qui n'ont visiblement pas saisi l'allusion, elle tente de se faire comprendre, tout en mimant un coup de poignard avec une banane : "Brutus… euh… César ? La trahison… l'ami fidèle ? Mais qui poignarde ?"


L'équipe de "Buffy Contre Les Vampires". (Ou le Scooby-gang, pour les fans...)



                                        Deuxième référence - ma préférée - dans l'épisode 8 de cette même saison 4, "L'Esprit Vengeur." Buffy tente d'organiser le repas de Thanksgiving, mais son projet est quelque peu contrarié par l'esprit d'un Indien revenu d'entre les morts pour venger son peuple et massacrer les descendants des Colons. Inévitablement, cette vendetta paranormale provoque un vif débat entre les personnages : doit-on tuer la créature maléfique, puisque sa colère paraît finalement légitime ? Le vampire Spike donne son opinion, en se référant aux paroles prononcées par César après sa victoire sur Pharnace (voir ici) :
"Vous avez gagné, d'accord ? Vous êtes venus, vous avez tué ces hommes et volé leurs terres. C'est ce que font toutes les nations conquérantes. C'est ce que César a fait, et il n'a pas dit : 'Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu et je me sens très coupable.' L'histoire n'est pas faite de peuples qui fraternisent. Vous aviez les meilleures armes, vous les avez massacrés et ils ont perdu. Terminé.”
Un point de vue que n'auraient pas renié les Romains...


4.) JOHNNY BRAVO.


                                        On élève le débat avec un dessin animé, de la série des "Johnny Bravo". Pour ceux qui l'ignorerait, ce personnage de la franchise Cartoon Network est un playboy bodybuildé, quelque part entre James Dean, Fonzie et Elvis Presley. Sempiternellement coiffé de sa banane blonde de rocker des années 50, il est aussi naïf que vaniteux et il passe son temps à courir après les filles - évidemment sans succès, sinon ça ne serait pas drôle. Les demoiselles ne sont pas intéressées, ou le rendez-vous foire lamentablement (toujours pour des raisons délirantes).


A vous de trouver qui est César, et qui est Johnny Bravo...

                                        Dans l'épisode intitulé "Quo Dofuus ?", Johnny Bravo emprunte accidentellement une porte spatio-temporelle (si, ça peut arriver) et se retrouve projeté dans la Rome de l'Antiquité, qu'il prend pour l'Amérique précolombienne. Sauvant involontairement la vie de l'Empereur (sic) Jules César que Brutus menaçait avec une sorte de râpe à fromage (!!), il est convié à un banquet, où il ne trouve rien de mieux à faire que de draguer lourdement la jeune et jolie épouse de son hôte. Furieux, celui-ci le condamne à affronter un lion dans l'arène - mais le Vésuve entre en éruption, et Johnny parvient à retraverser l'espace-temps pour regagner son époque. On ignore comment il a fait, lui aussi du reste, mais on n'est plus à ça près : entre Jules César Empereur, le pollice verso dans l'arène, Spartacus qui passait par-là et le Vésuve qui détruit Rome un siècle avant Pompéi, on avait bien compris que l'exactitude et la vraisemblance ne faisaient pas partie du cahier des charges des scénaristes !


3.) THE COSBY SHOW.


                                        Une série qui a bercé mon enfance, et qui relate la vie quotidienne de la famille afro-américaine des Huxtable. Cet épisode s'appelle "Shakespeare", et vous aurez deviné qu'il renvoie directement à la pièce que le dramaturge anglais a consacrée à Jules César. Justement, le fils Théo et son camarade Cockroach doivent la lire pour leur cours de littérature, et ils sont loin d'être enthousiastes : le texte leur tombe des mains. Mais tout change lorsque leur père et deux de ses amis se lancent dans une interprétation improvisée de la pièce.


Cockroach et Théo interprétant Shakespeare.

                                        Les deux garçons commencent à comprendre de quoi parle ce bon vieux Shakespeare, et trouvent même que ce n'est pas si mal... Mais le style est quand même un peu poussiéreux. Qu'à cela ne tienne : les jeunes étudiants décident de réécrire le discours que tient Marc Antoine sur le forum lors des funérailles de César... en version rap ! En soi, ça ne paraît pas extraordinaire, si ce n'est que le texte vaut le détour car il reste fidèle à l'esprit de la tirade de Shakespeare, y compris dans sa construction : le "Brutus est cool", rejeté en fin de vers comme le "Brutus est un homme honorable" auquel il se substitue, provoque la même mise en exergue de la loyauté, a priori paradoxale, de Brutus. Astucieux, complètement inattendu et plutôt drôle. A voir sur Youtube (en tapant "Cosby Show" "Rap" "Shakespeare").


2.) SPARTACUS : LA GUERRE DES DAMNÉS.


                                        Allez, on redevient sérieux cinq minutes, le temps d'évoquer l'ultime saison de la série "Spartacus", produite par la chaîne Starz - et si possible sans trop en dévoiler, au cas où vous ne l'auriez pas encore vue. Comme le titre l'indique, la série suit le célèbre Spartacus, gladiateur à Capoue, qui prend la tête d'une révolte de... gladiateurs. Après avoir massacré tout ce que leur ludus comptait de romain, les combattants parcourent l'Italie qu'ils mettent à feu et à sang, formant petit à petit une armée d'esclaves bien décidés à briser leurs chaînes et à se venger de Rome. Cette troisième saison est centrée sur l'affrontement qui oppose les rebelles à l'armée romaine, emmenée par Crassus. Mais on retrouve aux côtés de celui-ci un jeune soldat prometteur, qui n'est autre que Jules César...

                                        Réglons tout de suite la question historique : César a-t-il été impliqué dans cette guerre servile ? En fait, personne n'en sait rien. Disons que c'est improbable (puisqu'il n'en est jamais fait mention) mais pas impossible; rien ne permet de l'affirmer, mais rien ne permet de l'infirmer non plus puisque les historiographes ne sont guère précis quant aux premières années de la vie de César. Du coup, on peut tout imaginer, et les scénaristes de "Spartacus" se sont engouffrés dans la brèche et ont joué sur les zones d'ombre de la biographie de notre héros.



Jules César, version "Spartacus".
Ici, Jules César (interprété par Todd Lasance) est un jeune homme qui ressemble plus à Kurt Cobain qu'à un Romain. Revenu victorieux de plusieurs campagnes, il rallie Crassus, chargé d'écraser la révolte des gladiateurs. D'abord infiltré au sein des rebelles, César rejoint ensuite l'armée proprement dite mais il est sous les ordres du fils de Crassus, Tiberius, ce qui exacerbe la rivalité entre les deux hommes qui se détestent ouvertement. Je suppose que vous ne serez pas surpris d'apprendre que Spartacus et ses hommes sont vaincus à la fin - mais très franchement, l'issue de la guerre telle qu'elle est montrée n'est pas ce qui m'a le plus passionnée.

 
Ce qui est intéressant en revanche, c'est qu'on nous présente un César d'une vingtaine d'années, chose rare dans les fictions où l'on préfère souvent se concentrer sur la période suivant immédiatement la Guerre des Gaules pour montrer son accession au pouvoir et son assassinat. Le César de "Spartacus" est sans conteste l'un des personnages les plus complexes de la série, et l'un des plus aboutis sur le plan psychologique. Chien fou au sang chaud, violent et arrogant, il se révèle progressivement fin stratège et beaucoup plus calculateur que ses premières apparitions le laissaient présager. Il a de l'esprit et du charisme, et on découvre vite que son goût immodéré pour le vin et les femmes n'a d'égal que son ambition sans borne. Pourtant, il est aussi moins caricatural que les autres Romains dans le sens où il fait parfois preuve d'empathie et apparaît comme un ennemi loyal face à Spartacus et ses acolytes. Le portrait est en tous cas crédible, même si la série ne se dépare pas de sa marque de fabrique : l'outrance et la provocation facile sont toujours omniprésentes et, à mon avis, nuisent à la cohérence de l'ensemble. Je pense en particulier à une certaine scène qui voit Tiberius violer César, ce qui n'apporte rien à l'histoire, hormis une séquence racoleuse de plus.  C'est le problème de cette série, qui ne parvient pas à exploiter un sujet en or et se contente souvent de jouer sur le sexe et la violence.

                                        Cela dit, l'hostilité qui règne entre César et Tiberius pourrait être mieux exploitée, car elle évoque presque une rivalité fraternelle en ce qu'elle s'inscrit dans le cadre de la relation unissant les deux hommes à Crassus. Entre César et Crassus, le respect et l'admiration mutuelles font penser à des rapports père-fils. La série spécule d'ailleurs sur les liens précoces qui unissent les deux hommes, et surtout sur leur développement ultérieur puisque l'ultime épisode se conclue sur les prémices d'une alliance contre un Pompée qui s'attribue le mérite de la victoire finale contre les gladiateurs. C'est très intelligent et pertinent, et cela permet en outre à la série d'aborder l'aspect politique qui a sous-tendu cette guerre. Dommage que cela arrive si tardivement ! Jetez quand même un œil à cette dernière saison très musclée qui, sans être un chef d’œuvre, conclut habilement une série assez inégale. Et tâchez d'oublier le côté "surfeur californien" de notre jeune César !



1.) MA SORCIÈRE BIEN-AIMÉE.


                                        Et on termine avec du grand, du très grand n'importe-quoi ! Vous connaissez forcément "Ma Sorcière Bien-Aimée" : Samantha la gentille sorcière, qui frétille délicatement du nez pour lancer des sorts ; son benêt de mari Jean-Pierre ; Pandora la belle-mère imbuvable ; la petite Tabatha... Et César, donc, qui apparaît dans un épisode (Saison 6 Épisode 3) intitulé "La Salade César". Le titre donne une bonne idée du pitch : Samantha demande à Esmeralda, la bonne-qui-est-aussi-une-sorcière, de préparer une salade César pour le dîner. Aussitôt dit, aussitôt fait : la domestique s'exécute en ayant recours à la magie... et au lieu d'une salade, elle invoque Jules César himself, qui débarque dans la cuisine en toge, sandales et couronne de laurier sur la tête ! Le problème, c'est que Jean-Pierre doit justement recevoir ce soir-là son patron, accompagné d'une cliente venue discuter d'une campagne publicitaire destinée à lancer une marque de produits de beauté. Et César, qui se plaît beaucoup au XXème siècle - même s'il est un peu choqué de découvrir que les livres d'Histoire le qualifie de "dictateur" -, ne semble pas pressé de repartir.



Samantha, Jules et Cléo...

                                        Pour l'en convaincre, Samantha fait alors apparaître Cléopâtre (plus on est de fous...), qui arrive sur une litière portée par six esclaves nubiens. Le remue-ménage qui s'ensuit attire dans la cuisine la fameuse cliente, qui s'enthousiasme pour l'idée de Jean-Pierre : les grandes romances de l'Histoire, voilà qui illustrera à la perfection les publicités ! César, tout guilleret, repart pour Rome avec Cléo.    

                                        Je vous l'avais bien dit, cet épisode est d'une excentricité totale ! Venant de "Ma Sorcière Bien-Aimée", vous deviez quand même vous en douter... Encore une fois, l'exactitude historique n'était pas le souci premier des scénaristes, qui accumulent les clichés et les erreurs grossières. Mais l'ensemble reste amusant, comme lorsque César découvre l'existence des taxis ("des sortes de chars, mais sans chevaux...") ou qu'il s'écrit, parcourant un manuel d'Histoire et découvrant son assassinat par Brutus et Cassius : "Quoi ?! Toi aussi, Cassius ?!". J'ai gardé pour la fin le détail qui tue : l'accent italien de César, ambiance Luigi le pizzaiolo !!! J'ai failli m'en étouffer de rire - mais je suis bon public...

 
                                        La figure de César étant immédiatement identifiable par le grand public, bien d'autres séries TV l'ont utilisée. Certaines ont fait de César un personnage récurrent ("Xena La Guerrière", par exemple) quand d'autres ont multiplié les allusions ("A La Maison Blanche", "The Big Bang Theory", "NCIS", etc.) En règle générale, le personnage de César est un concentré de clichés erronés - un Empereur italien régnant en dictateur au sens moderne du terme, assassiné par son fils Brutus. De quoi provoquer une douzaine de crises cardiaques chez les ayatollahs de l'exactitude historique ! Mais dès lors que vous êtes conscients des libertés prises par les auteurs, quelle importance ? Je dirai même que ça n'en est que plus cocasse, d'autant qu'après tout, Jules César acceptait volontiers de rire de lui-même. Quoi que, en l’occurrence, je suppose qu'il aurait préféré un hommage un petit peu plus solennel...

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